Le programme d’ajustement structurel entrepris en 1996 a rétablis les grands équilibres et a remis le pays dans le sentier de la croissance . Néanmoins le taux de croissance réelle de l’économie nationale tourne autour de 3%. Il est primordial de rechercher des secteurs qui peuvent tirer la croissance vers le haut pour les années à venir.
Djibouti dispose de potentialités dans les secteurs tels que : le sel , la pêche et les peaux ; qu’il faudrait exploiter pour en tirer un maximum de bénéfice, tout en permettant de réduire la pauvreté et améliorer la sécurité alimentaire par des créations d’emplois .
La lutte contre la pauvreté étant une priorité du gouvernement(DSRP) et un objectif majeur de la déclaration du millénaire (ODM) qui prévoit une réduction de 50% du nombre des pauvres dans le monde d’ici 2015.
A cet effet, il est souhaitable de réaliser une croissance forte et soutenue à travers une productivité importante dans les secteurs cités ci-dessus.
Ce rapport traitera le secteur de la pêche notamment en faisant un bilan-diagnostic et décrira les perspectives de développement.
La République de Djibouti possède grâce à la pénétration de la mer par le Golfe de TadjouraH et le Ghoubet, une longueur totale de la ligne côtière de 372 kilomètres. La zone Economique Exclusive (ZEE) s’étend sur une superficie de 7190 km2. Le plateau continental sur lequel sont concentrés les ressources halieutiques, s’étend sur 12 à 15 km avec de fonds de 20 à 50 m et couvre une superficie de 2492 km2, soit 34,6 % de la ZEE (F.A.O. 1984,Kunzel 1996).
Selon les estimations disponibles, Les ressources halieutiques à Djibouti sont abondantes et peu exploitées. Le potentiel pêchable autorisé est estimé 48 000 tonnes/an dont 5 000 tonnes sont considérées comme des ressources à haute valeur ajoutée pouvant être exportées et procurer des revenus importants pour les bénéficiaires. Les zones les plus riches sont situées au nord du pays (Obock) et au sud de Djibouti (eaux à la frontière Somalienne). Selon les relevés statistiques effectués par la Direction de la Pêche (DP), les poissons démersaux représentent 55 % contre 45 % pour les pélagiques. Parmi les espèces le plus fréquemment pêchées, on distingue en priorité le Thazard (espèce de thonidé très prisé par les populations locales), les mérous, dorades, carangue, thon, barracuda et rouget.
II- Le cadre institutionnel et politique
Le secteur de la pêche est administré pas le Ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Mer. La gestion du secteur est confiée à la Direction des Pêches qui comprend deux services (développement de la filière pêche et gestion de ces ressources halieutiques) ; elle partage certaines de ses prérogatives avec plusieurs autres institutions dont la plus importante est la Direction de l’Elevage et des services Vétérinaires actuellement en charge du contrôle sanitaire des produits de la mer.
La direction de la pêche est une jeune institution puisque sa création remonte à 2001.Les opérateurs privés de la pêche se sont peu impliqués dans la gestion des ressources halieutiques et son suivi, ainsi que dans l’élaboration et l’application de la réglementation des pêches.
En ce qui concerne la réglementation de la pêche, une loi portant Code de la pêche a été promulgue en 2002.Les pêcheurs sont tous membres d’associations.
La création des Aires Protégées marines remonte aux années 70 et la loi les limitait au Parc Territorial de musha, et seule la pêche artisanale des poissons comestibles est autorisée dans lesdites aires. Depuis que la politique nationale de l’environnement s’exprime à travers la loi cadre de l’environnement , un nouveau texte relatif aux Aires Protégées a été élaboré sur proposition du Ministère de l’Environnement(loi N°45/an/04/5eme L du 27 mars 2004 portant création des Aires protégées terrestres et marines, article 28 du Code de la Pêche).
Cette nouvelle loi crée sept Aires Protégées dont les Iles mousha-Maskali , les îles des Sept Frères, Ras siyan, Khor Angor et Godoria ainsi que Haramous, et elle autorise dans ces aires des activités réglementées de pêche, de plongée et l’écotourisme.
La pêche est largement prise en compte dans le cadre de la politique stratégique nationale avec un double objectif : participer à la réduction du déficit de la balance des paiements grâce aux exportations et contribuer à l’amélioration de la sécurité alimentaire( mise à disposition en quantité de produits à des prix abordables. Le corollaire de ces axes stratégiques est la création d’emplois au sein de la filière pêche.
III- Un secteur fortement artisanal
La pêche pratiquée est de type artisanal, utilisant des techniques de pêche sélective, entre autres: (i) les lignes à la main et les lignes à la traîne, (ii) le filet maillant, (iii) l’épervier pour la pêche à pied, et, (iv) la pêche en plongée pour la capture des langoustes et les holothuries. On estime actuellement à 200 le nombre d’embarcations pratiquant la pêche artisanale dont 90 % environ sont en fibre de verre de sept à neuf mètres de long équipées de moteurs hors bord de 25 à 40 CV. Chaque embarcation fait travailler trois personnes. La durée des marées est de 1 à 2 jours en fonction de la capacité de stockage en carburant et en glace pour le conditionnement du poisson. Les autres unités de pêches sont constituées par des bateaux en fibre de verre de 9 à 12m de long équipés de moteurs de 60 CV sur lesquels opèrent cinq hommes qui effectuent des marées de 3 à 4 jours. La majorité de ces embarcations se trouve stationnée à la pêcherie de Djibouti (Boulaos).
Les Ressources Humaines
Le secteur de la pêche à Djibouti fournit environ 2000 emplois et le nombre des pêcheurs professionnels est estimé à environ 600. Avec le Centre de Formation des Pêcheurs d’Obock, le nombre de personnes formées aux techniques de pêche va augmenter. Actuellement, la majorité des pêcheurs sont organisées autour d’associations(5) dont la création est régie par la loi de 1901. La majorité des pêcheurs sont propriétaires de leurs embarcations de Pêche.
Avec une production (formelle et informelle) moyenne estimée à 1500 tonnes/an environ, le poisson ne joue pas un rôle important dans la consommation des produits d’origine animale (consommation est de 3,5kg/hab/an). Actuellement sa contribution au PIB est négligeable (1%) alors que des potentialités importantes existent.
Le détail de la production est présenté dans les tableaux suivants :
Tableau 1 : Production nationale en 2003
Production Grande Pêcherie de Djibouti |
319 217 kg |
Production Plage (Marché Central) |
412 650 kg
|
Production Obock |
76 000 kg |
Production Tadjourah |
182 000 kg
|
Production Autres |
511 700 kg |
TOTAL |
1 501 567 kg |
Source :Direction de la Pêche
Tableau 2 :Production nationale entre 1997-2002 (en tonnes)
Année |
Production GPD |
Exportation GPD |
Production nationale |
1997 |
283,00 |
19,70 |
734,00 |
1998 |
256,50 |
20,60 |
760,00 |
1999 |
266,10 |
19,50 |
798,00 |
2000 |
280,00 |
20,50 |
761,00 |
2001 |
278,80 |
20,40 |
806,00 |
2002 |
253,50 |
18,50 |
1000,00 |
Source : Direction de la Pêche et GDP
GPD: Grande Pêcherie de Djibouti
Exportations : Principalement vers l’Ethiopie
Avec un potentiel annuel de 48 000 tonnes/an ,la production réelle est estimée 1 500 tonnes/an soit 3,1% du potentiel exploitable.
Les unités de pêches font des marées de 1 à 2 jours, et on ne peut pêcher en quantité importante dans les zones nord-est éloignées de la capitale que par des marées de plusieurs jours, il apparaît que le facteur limitant de la durée de ces marées est la capacité des glacières.
La faible production est due aussi à une absence de débouchés. Le marché domestique est restreint et l’exportation est faible car manque de dispositif de certification adéquat (cadre législatif, laboratoires, etc...).
Par ailleurs, aucune activité de transformation des produits halieutiques n’est effectuée dans le pays. La totalité des débarquements est consommée en frais après avoir subi une conservation d’un jour ou deux avec de la glace. Le produit est ensuite commercialisé sous forme de poissons entiers ou en tranches à travers l’unique pêcherie (Boulaous) et le marché central de la capitale. Le réseau de distribution vers les quartiers périphériques et les zones rurales est totalement défaillant en raison de l’absence de moyens de transport en froid valables aussi des habitudes alimentaires des populations rurales où la consommation du poisson n’est nullement répandue.
Les revenus de la pêche
Les revenus dépendent des quantités pêchées varient beaucoup. Quand les quantités sont importantes, elles sont vendues à la pêcherie de Djibouti entre 250 FD et 300 FD le kg. Les pêcheurs vendent également sur le marché central et aux différents restaurants de la ville à 300 FD le kg.
Les revenus de la pêche sont ainsi repartis : pour un embarcation de 3 pêcheurs après avoir déduit les charges engagées pour la marée (carburants et aliments) les gains sont partagés en 4, ¼ revient à l’embarcation, les ¾ restants sont partagés par les 3 pêcheurs.
Enfin, on peut estimer que le chiffre d’affaire moyen par embarcation et par jour se situe autour de 15 000 FD ce qui permet aux pêcheurs de subsister
Les principales contraintes au développement de cette activité économique se résument à :
- l’Absence d’utilisation de standards pour assurer l’innocuité des produits halieutiques pour le marché local et éventuellement l’exportation.
- l’Insuffisance des infrastructures de conservation et de transport en grande partie en panne ou détruites par le conflit.
- l’Absence d’un système de crédit approprié aussi bien pour l’achat d’intrants de pêche (sous-équipement des pêcheurs) que la réparation et la maintenance des embarcations.
- Manque d’un atelier de réparation des moteurs et des coques des embarcations. Seuls quelques artisans dépourvus de moyens tentent tant bien que mal d’assurer la maintenance des moteurs et des coques en fibre en verre, mais les coûts des produits restent chers.
- Etroitesse du marché avec une consommation des produits de la pêche des ménages estimée à seulement 3,5 kg/hab/an.
- Manque de vulgarisation technique et technologique et nombre réduit de pêcheurs.
- Désorganisation des circuits de distribution.
- Insuffisance de ressources humaines pour l’encadrement de la filière.
Sur le base de ce constat, une série de sept axes stratégiques ont été identifies pour réduire les contraintes :
1- Renforcer et créer les capacités des acteurs(nouveau mode de gestion de
la filière)
2- Mise en place d’un dispositif des statistiques de la pêche
3- Sécuriser les conditions de l’exploitation halieutique (pérenniser
l’exploitation),
4-Accroître les débouchés
5-Accroître la production
6- Mettre à niveau la fonction d’avitaillement(glace et carburant)
7- Promouvoir l’entrée de nouveaux types d’investisseurs dans le secteur.
Les actions prioritaires sont formulées sous forme de projets avec le cadre logique, le financement estimé, les modalités de mise en place et de fonctionnement, ainsi que le calendrier d’exécution dans le schéma directeur de la pêche. Ces projets sont présentés avec les coûts globaux dans tableau suivant :
Tableau 3 : Récapitulatif des coûts du programme d'actions prioritaires |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
MFDJ |
MU$D |
Appui aux petits opérateurs économiques de la filière pêche |
543,649 |
3,11 |
||||
Actions transversales |
|
|
||||
1. Mise en place de la cellule d'appui aux petits opérateurs économiques de la pêche (CAPEP) |
278,4 |
|
||||
2. Acquisition d'une "maison de la filière pêche " (MFP) |
|
16 |
|
|||
Accroître la production |
|
|
|
|
|
|
3. Fabrique de glace pour les pêcheurs de Djibouti-ville |
|
30 |
|
|||
4. Définition d'un dispositif de protection sociale des pêcheurs |
|
0 |
|
|||
5. Crédit (ligne de bonification des taux) |
|
|
9,699 |
|
||
6. Introduction de la senne tournante pour la capture des petits pélagiques |
84,6 |
|
||||
7. Introduction d'autres techniques de pêche pour certaines espèces cible exportables |
|
|
||||
8. Développement de la culture de l'algue Eucheuma |
|
52,2 |
|
|||
Accroître la consommation - améliorer la distribution |
|
|
|
|||
9. Améliorer la distribution de poisson à Djibouti-ville |
|
22,6 |
|
|||
10. Améliorer la distribution de poisson dans les districts de l'intérieur |
10,525 |
|
||||
11. Elargissement de la base des consommateurs de poisson |
|
7,5 |
|
|||
12. Organiser la distribution des petits pélagiques et stimuler leur consommation |
11,775 |
|
||||
13. Crédit (femme armatrices : lignes spécifiques) |
|
6 |
|
|||
14. Développement des activités de transformation du poisson frais |
14,35 |
|
||||
Appui à l'export |
|
|
|
49,155 |
0,28 |
|
15. Doter les entreprises des outils de prospection et d'acquisition de marchés |
8,1 |
|
||||
16. Affiner le cadre de réglementaire de la réglementation sanitaire |
5,27 |
|
||||
17. Permettre aux entreprises de s'inscrire dans le dispositif réglementaire de traçabilité |
3,525 |
|
||||
18. Diversification des produits exportables |
|
|
8,66 |
|
||
19. Appui à nouveaux investisseurs, secteur pêche |
|
6,6 |
|
|||
20. Appui à nouveaux investisseurs, secteur aquacole : projet pilote "grossissement de crevettes |
17 |
|
||||
Appui à la Direction de la Pêche et à d'autres institutions |
|
134,405 |
0,77 |
|||
21. Mise en place de cartes professionnelles et de licences de pêche annuelles |
29,925 |
|
||||
22. Etablissement du conseil consultatif de la pêche |
|
5,625 |
|
|||
23. Mise en place d'un dispositif de statistiques des pêches |
|
20,5 |
|
|||
24. Formation des cadres à la gestion de projet |
|
|
10,4 |
|
||
25. Soutien au centre de formation des pêcheurs professionnels |
|
14,1 |
|
|||
26. Formation des cadres à la cogestion |
|
|
20,695 |
|
||
27. Formation des agents de districts au développement communautaire |
6,75 |
|
||||
28. Mise en place d'un système documentaire (documentation physique et Internet) |
13,7 |
|
||||
29. Harmonisation du cadre institutionnel de gestion de la pêche |
|
4,9 |
|
|||
30. Compléments à la loi pêche, notamment pour l'aquaculture |
|
2,26 |
|
|||
31. Sensibilisation des administrations concernées à la loi pêche et à l'environnement |
5,55 |
|
||||
Préservation de l'environnement |
|
|
251 |
1,43 |
||
32. Sensibilisation des pêcheurs et plaisanciers aux atteintes à leur environnements marin |
70 |
|
||||
33. Etude sur la population des dugongs |
|
|
26 |
|
||
34. Suivi des écosystèmes sous pression anthropique |
|
93,5 |
|
|||
35. Accompagnement des initiatives d'écotourisme |
|
61,5 |
|
|||
Actions complémentaires : renforcement des infrastructures |
|
|
|
|
175 |
0,89 |
36. Entretien du port de pêche de Djibouti-ville |
|
|
65 |
|
||
37. Mise en place d'un débarcadère à Loyada et Arta |
|
|
|
|
40 |
|
38. Entretien des machines à glace de Tadjourah et d'Obock |
|
15 |
|
|||
39. Installation d'une machine à glace à Khor Angar |
|
30 |
|
|||
40. Installation d'une chambre froide à Khor Angar |
|
25 |
|
|||
|
|
1153,209 |
6,48 |
|||
Source : Direction de la Pêche
|
|
|
|
|
||
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Il y a à peu près 15 millions de pécheurs dans le monde qui produisent 98 millions de tonnes par année .On associe en général à cette profession à des conditions de travail et de vie difficiles. Les pêcheurs, fréquemment ne bénéficient pas des prestations sociales accordées aux travailleurs à terre et très souvent ne peuvent pas mener une familiale normale.
Les pêcheurs à Djibouti connaissent le même problèmes, ce secteur n’est pas développé, la production annuelle est de 1500 tonnes alors que le seuil d’exploitation soutenable est 48 000 tonnes par an, il est largement sous exploité , certaines catégories de poissons sont à peine exploités tel que les petits pélagiques par l’absence de réseau de distribution , les poissons ne sont pas vendus dans les quartiers périphériques et les zones rurales , il y a que trois à quatre points ventes
Dans le contexte de la stratégie de réduction de la pauvreté, le secteur de la pêche a été identifié comme un segment de l’activité économique pouvant contribuer à la croissance économique du pays, à la réduction de la pauvreté tant en milieu urbain que rural et à la sécurité alimentaire par la satisfaction des besoins en protéines animales. A cet effet , sur financement de la Banque Africaine de développement un schéma directeur de la pêche a été élaboré en 4 tomes qui poursuit trois objectifs :
1) Un bilan diagnostic qui décrit les points forts, points faibles, risques, opportunités, pour les différents segments de la filière ;
2) Les axes stratégiques sur lesquels se fondera le développement du secteur, dans le respect des cadres stratégiques nationaux ;
3) L’application de cette stratégie à la définition d’un programme d’actions prioritaires à mettre en œuvre au plus vite.
Aussi, un projet de micro-crédit financé par FIDA sera mis en place très prochainement, s’adressant au secteur primaire, permettra de renforcer la capacité de la filière pêche et améliorera les conditions de vie des pêcheurs à l’avenir .